Témoignage de Léa

Pas facile cette mise en mouvement. Coucher sur des pixels ses impressions et ressentis m’est
vertigineux. Ce sentiment que parler de soi est tabou. J’ai peur de paraître trop et d’être jugée alors
même que je me rends compte qu’il n’y a qu’à écouter si on en a envie.
C’est ce que je me permets de faire avec la Commune. Un espace, des habitant.e.s, des voisin.e.s,
permettant l’expression de soi possible.
Accepter de prendre de la place, c’est ce que m’insuffle ce lieu.
Ça a commencé par une affiche A4 sur la vitre du bar annonçant le carnaval, puis une autre
annonçant une soirée, les murs ont commencé à se colorer, les grilles à s’ouvrir, la végétation à
apparaître, la musique à en émaner, les costumes à défiler. Des corps en mouvement. Des corps avec
des histoires. Des oreilles pour les écouter. Des regards pour les sublimer.
Jusqu’alors je ne me sentais pas faire partie d’une ville ou bien encore d’un quartier. Je ne voyais pas
d’intérêt à cela et trouvais cela même dangereux de s’approprier un territoire. Mais je crois que je
me trompais tout simplement de mot. La propriété marquée au fer rouge dans ma tête comme seule
et unique mode de vie…
Avec la Commune, j’ai commencé à me dire que c’était agréable qu’existe un squat en plein centre
de Rezé, puis à me dire, comme il n’était pas qu’un logement, que je pouvais profiter de des espaces
et des spectacles. Un jour je me suis surprise à me dire j’habite ici, à Rezé, dans ce quartier, je le sens
et cela me procure de la joie.
Faire partie d’un territoire, vivre ici, c’est ce qui résonne à chaque fois que je passe à la Commune et
que j’ai appris à travers elle.
A l’heure où les journées sont réglées depuis notre enfance comme du papier à musique, les
voitures, les avions et le blob béton ne cessent de croître mais où de la « démocratie » participative
et les consultations citoyennes sont à l’honneur dans tous les programmes politiques pour être au
plus proche de SES citoyens et de leurs besoins, je ris.
Je ris rouge mais je ris. Et puis je pense à la Commune. Que ferait-elle face à ces incohérences?
Elle se mettrait en mouvement. Et maintenant j’en fais partie.
Léa

Poésie en soutien à la Commun·e

Vivre sa vie
Liberté chérie
Utopie vaine
je traine ma haine
Écrire
Pour dire
Liberté d’exister
Être acceptée tel que l’on naît
Avec fierté se présenter
Être reconnu pour ce que l’on est
La liberté n’est pas calquée
Sur nos réalités
La liberté c’est dessiner
En couleur sur le pavé
La liberté c’est vouvoyer
Les autres entités
La liberté c’est tutoyer
 le bonheur partagé
La commune
Sous la lune
Brille pour toi
Petite étoiles
Accroche toi
La liberté
D’imaginer
De proposer
De partager
Prendre un détour
Au coin d’une cours
Regarder pousser
Les fleurs de pavés
Abri bus
Abris Guss
Cirqu’évolution
Pas bidon
Terrorisme
T’es trop triste
Pour voir passer
La liberté
L’inachevé
Échevelé
Ce fait la belle
Pour l’appel
Peau d’Ame

Lettre de soutien d’Alain

Suite à l’expulsion  j’apporte mon soutien inconditionnel à la Commun.e de Rezé.
J’y ai trouvé un ilot de respiration, une résilience dont la ville a besoin maintenant et pour les décennies à venir.
La formule magique, inespérée, en est la suivante :
une puissance d’accueil considérable, à toutes et à tous;
une pluralité incroyable de personnes alors que notre société est très segmentée;
L’exercice d’une parole libre qui augure un renouvellement de la démocratie;
Une intelligence incroyable qui donne tout son sens à l’expression d’intelligence collective;
Une chaleur où la communauté n’est pas repliée sur elle même, dans une ouverture remise sur le tapis tous les jours
Une énergie vivante de projets, d’actions, d’événements, de reliance entre des acteurs extérieurs, redonnant de la vie au quartier, lui apportant de l’oxygène.
Une campagne en peine ville : L’affirmation d’un rapport à l’urbain aussi bien qu’à la nature dans une belle articulation.
Bref l’utopie réalisée  d’un commun de quartier exemplaire dont la ville manque
Il est de toute nécessité de déployer ce biotope humain et naturel favorable à la ville.
Le bien commun existe,  je l’ai rencontré à Rezé.
Alain ARNAUD, pour La sagesse de L’image

Voici un texte que je viens d’écrire

Voici un texte que je viens d’écrire.. Ça vaut ce que ça vaut.. Je le diffuse histoire de faire savoir : » La commun.e ce n’est pas qu’un squat. C’est un lieu où se tisse les liens. C’est un lieu qui appartient à toutes et tous. C’est un lieu sans hiérarchie et où les possibles se réinventent. J’ai côtoyé de nombreux centres sociaux et maisons de quartier… Beaucoup devraient prendre exemple sur la commune pour créer des vrais espaces de participation et d’éducation populaire. Pas des faux semblants institutionnalisés, non des lieux réels ouvert à toutes et tous où chacun.e à sa place.
Ce soir je chiale de dégoût que ce lieu nous soit enlevé. Ce soir je chiale car en tant qu’habitante où m’a enlevé un espace de paroles, de rencontres, de découvertes, de vie. Je chiale car on a enlevé son jardin extraordinaire aux milles histoires à ma fille, son terrain d’expérimentation. Je chiale car on a mis des gens dehors au profit du libéralisme ambiant et puant… »
Colline

Qu’est-ce qu’elle était longue la journée

Qu’est-ce qu’elle était longue la journée d’aujourd’hui quand les frères de la commune étaient expulsés de leur logement… nous gardons des très bonnes relations qui sont partis sur une bonne base à savoir la fraternité… leur présence à nos côtés durant tout ces mois passés est une dette que nous devons rendre un jour… mais que pouvons-nous faire dans un pays qui ne nous appartient pas??? Que de leur assisté et leur soutenir en se tenant debout à leur côté !!! 

Nous gardons tous des beaux souvenir dans cette espace appelé LA COMMUNE on s’en souviendra toujours !!! Oui on s’en souviendra de tout ces coins de l’entrée en allants dans la grande salle entourée tout au tour par les chaises et les fauteuils, les couleurs sur les murs et les dessins, la nouvelle cuisine et son décor, le jardin et son climat exceptionnel et le goût de son Resein dont on a couté les fruits, les ateliers qui y sont, la salle de couture… qui s’en souviendra pas?? Qui en a pas un coin d’un beau souvenir ??? Mais il y’a toujours un espoir quelque part, car c’est nous LA COMMUNE oui c’est à nous de la faire vivre où que nous soyons ensemble main dans la main, le fait de continuer à la faire vivre c’est ce qui compte…

Vive la fraternité vive LA COMMUNE quelques soient les conditions…

Brahim

Salut les Communardes salut les Communards,

Hier matin, je n’ai pas lu. Je lis souvent le matin, au réveil, sur la terrasse du café des alytes. La lumière du matin donne un grain cinématographoque à la cour de la Commun.e. La grue de Bati-Nantes qui surplombe le décor devient même à ces heures là un élément esthétique hyper fort.

Hier matin je n’ai pas lu. Ces moments de lecture du matin sont un peu comme une petite prolongation de l’état de veille, à mis chemin entre le sommeil et l’éveil, entre mes rêves de la nuit et la réalité de la journée que je vais vivre.Hier matin, je n’ai pas lu. Hier matin, comme chaque matin, avant de dé- valler l’escalier metallique en colimaçon, je me suis arrêté sur le palier et j’ai regardé le quartier, le chantier, les grues, le Lidl, les jardins, la cime du cypré, le bestiaire carnavalesque qui a envahit les toits de la Commun.e, la cour et je me délectais par avance du bonus onirique qu’allait m’offrir la lecture. J’allais poursuivre Le cri de peuple, de Vautrin.Hier matin, je n’ai pas lu.

Hier matin, en m’élançant dans la journée, du haut de l’escalier métallique en colimaçon, j’ai entendu le bruit des bottes. Le bruit des bottes sur les pavés de la cour. Sur les pavés colorés de la Commun.e.Hier matin, je n’ai pas lu. Hier matin, j’ai entendu le bruit des bottes. Plus de rêve éveillé, plus de soleil, plus de grain cinématographique, plus de poésie, plus rien. Rien que le bruit des bottes. Rien que le bruit des bottes qui m’a poursuivi toute la journée. Rien que le bruit des bottes. Aujourd’hui j’ai lu. J’ai lu le Cri du peuple. Pas celui de Vautrin. J’ai lu le sms de Colline. Et d’autres sms. J’ai lu Caro dans Ouest-France. Oui, j’ai lu Caro dans Ouest France! Enfin j’ai lu. J’ai lu le communiqué rédigé par 3 Communard.es aujourd’hui. Et enfin, à nouveau j’ai entendu. J’ai entendu le bruit de nos rires, de nos joies, et le bruit de nos silences. Là où souvent se cache l’intelligence. Et puis j’ai vu nos rêves à l’abri dans une caravane bleue, se hisser sur la façades de la Commun.e, j’ai vu une cuisine roulante remonter à bras de Communard.es la rue Alsace Lorraine et venir nourrir la tribut. Une incroyable tribut du bébé à la mémé, une palette de toutes les couleurs de la vie, tous voisin.es d’un territoire infini. Une tribut de pauvres riches s’offrant le luxe communal en république universelle.Ce soir, le bruit des bottes a disparu.

Ce soir, j’ai recommencé à rêver. Demain matin, je vais lire.
Vive la Commun.e!

ON s’aime la zone

6ko

I’m a spy in the house of love

J’ai rencontré la Commune pour la première fois dans l’effervescence de son installation. J’y suis arrivée impressionnée et un peu étourdie par les multiples chantiers en cours, par les personnages qui semblaient la peupler. J’y arrivais au côté d’un homme grâce auquel j’apprivoisais déjà l’idée que d’autres liens étaient possibles.

J’avais grandi avec la révolte au fond du ventre et j’avais cru devoir me ranger dans des ordres que je comprenais à peine pour accéder à une vie apaisée. J’avais lié ma vie avec quelqu’un qui prônait un modèle traditionnel, dont le goût du voyage et de la discussion ne venait qu’alimenter ce modèle. J’étais en train de me séparer de ce modèle, en train de tenter, au prix de l’arrachement d’une partie de mon corps, de dénouer ce lien. J’avais cru qu’il m’arrimait là où je me sentais l’éternelle passante, l’étrangère en toute chose. Mais mon étouffement était devenu palpable, mon corps s’évanouissait, ses tremblements me témoignaient que c’en était trop. Qu’autre chose était nécessaire.

Je suis revenue à la Commune le soir où les choses ont été tranchées. C’en était fini de cette vie. Il était encore difficile pour moi d’imaginer pouvoir écrire ailleurs. Sur un bout de canapé, j’ai assisté, presque silencieuse, aux échanges animés autour de ce nouveau lieu, de ce nouveau projet. Le corps adossé à celui qui me permettait encore d’y sentir un brin de vie. Je suis repartie presque comme je suis venue, en coup de vent, saluant ces visages qui ne m’étaient pas encore incarnés, mais qui m’avaient fait place.

Un troisième passage à la veille des vacances de Noël. Le premier Noël que je passerais sans mon fils de 3 ans et demi, au lendemain d’un « à la semaine prochaine » déchirant. Préparation d’une soirée à laquelle je ne pourrais pas assister. Effervescence encore, ballet de visages qui doucement, commençaient pour moi à prendre corps. Je me suis encore éclipsée comme j’étais venue.

Le jour de Noël, après une veillée passé à faire mes ultimes cartons dans ce qui ne serait bientôt plus que l’appartement du père de mon fils. Première préparation de repas, premier repas partagé. C’était le seul endroit où j’aurais pu passer Noël, sans le laisser passer. Le seul endroit où je sentais pouvoir être accueillie comme j’arrivais, évanescente ou en miettes, sans questions, sans interrogations, un pur accueil bienveillant de ce que je pouvais y apporter.

Progressivement, la Commune s’est peuplée pour moi. Au un par un, au fil des rencontres, de l’incarnation de ces visages dans une tranche de vie, dans une émotion, un moment partagés. J’ai pu commencer à y prendre vie, à laisser s’exprimer, par touches, mon ironie, ma tendresse et mon appétit. Impossible de rendre compte de ces rencontres, à moins de portraits fulgurants. Impossible de rendre le relief de cette humanité en-deçà des murs. Impossible d’éprouver par les mots la force de ces liens entre les pointillés de la rencontre des corps. Impossible et surtout impensable à l’heure où ces liens sont tout ce qu’il en reste.

Au printemps, la Commune s’est dépeuplée de certains de ses membres. D’autres l’ont rejointe. Corps sans tête, aux membres changeants, une âme intacte, la peinture venant panser ses murs endoloris par un trop long désintérêt. Des hommes et des femmes y ont accueilli d’autres humains. Elle a changé de visages au fil des mois, changé de contours, changé d’ambiances. Rien ne s’y fige, elle a vécu au rythme des saisons de ceux qui l’occupaient, de ceux qui y installaient ce qu’ils pouvaient apporter. Mon fils aussi est venu. Il l’a tout de suite adoptée, ainsi que ses habitants, éphémères et passants, panseurs et accueillants, des âmes d’enfant aux corps de tous âges. Le premier soir, il y a laissé deux petites voitures, qui lui avaient été gardées au chaud. Retrouvées le lendemain, il a répondu qu’il avait fait exprès de les laisser : « c’est pour la Commune, comme ça, d’autres pourront jouer avec ». Il avait adopté le bateau pirate du jardin partagé, les herbes aromatiques, la fête, la salle de spestacle, la voiture de Flash qui avant était électrique.

Je ne lui ai pas encore dit que la Commune avait été verrouillée. Que ceux qui faisaient le sel de sa vie était confinés dehors, par la mise en exécution froide et implacable d’un ordre d’expulsion, à l’éveil de l’hiver. La maman que je suis espère sans doute qu’un miracle advienne pour ne pas faire face à sa tristesse. Et en même temps, je sais qu’il peut me surprendre en répondant simplement qu’il faut trouver un autre lieu, mais avec un bateau pirate. Je ne lui expliquerai pas encore que les murs ne sont certes pas essentiels, mais qu’ils donnent aussi forme aux énergies. Qu’un autre lieu serait un autre lieu. Que cette page est peut-être tournée mais que quelquefois, il faut refuser de la tourner, pour soi, pour les autres, mais aussi pour que ces autres liens restent possibles.

Gaëlle